FOCUS à la Project(ion) Room / Bruxelles 24/25/26 MARS 2023

ICI COMMENCE…

Nous voudrions qu’Ici commence, c’est-à-dire à la Projection Room, une nouvelle possibilité pour le cinéma, celle qui consiste à penser que malgré les rapports ambigus que le cinéma entretient depuis ses débuts avec l’industrie, il est capable d’ouvrir une autre voie. Une voie qui fasse entendre que le cinéma est avant tout affaire de pensée, qu’il pense, comme aucun autre art et qu’il est capable de faire dans son propre champ de nouvelles inventions.C’est pour cela que les films de Sol Suffern-Quirno et de Rudolf di Stefano sont précieux, en particulier parce qu’ils nous donnent à penser que l’art du cinéma, loin d’être mort et d’être appelé à se perdre dans des formes dégradées du cinéma que sont le journalisme ou l’auteurisme, peut encore faire des découvertes que seul lui est en mesure de produire.Pour réussir cela il leur a fallu reprendre les choses à la racine, là où le cinéma moderne du milieu du XXème siècle a légué ses avancées les plus décisives, matérialisées par les œuvres de Bresson, Godard, Straub et Huillet, Pasolini, Pollet… et tenter à partir d’elles de faire le pas de plus.Tout au long de ce week-end nous proposons à tous ceux qui le voudront, d’explorer à travers les films de Sol Suffern-Quirno et de Rudolf di Stefano les pas gagnés de cette cinématographie, et voir surtout comment à partir d’elle peuvent s’amorcer de nouvelles orientations cinématographiques.Les différents points tenus par leurs films sont : Autonomie de la bande-son et de la bande-image ; Émancipation des films par rapport au scénario littéraire et par là ouverture vers une autre conception de ce que fiction veut dire ; Invention d’un temps non-chronologique et spécifiquement cinématographique ; Rupture avec l’idée du cinéma comme art total en proposant au sein des films une égalité entre les arts ; Rapport disjonctif avec la politique ; Invention d’un nouveau type de spectateur de cinéma, pointant vers un public inédit.L’enjeu sera donc pendant ces trois jours de se confronter à ce travail, d’en discuter pied à pied et de voir comment collectivement il serait possible qu’Ici commence une autre manière de pratiquer le cinéma, c’est-à-dire de constituer une forme élargie de l’idée que l’on se fait de la fabrication des films, de leurs enjeux et de la façon que l’on a de les percevoir. 

PUISSANCE DE LA FICTION 

VENDREDI 24 MARS 

Fiction n’est pas à entendre ici comme une façon de doubler la réalité par une couche de fabulation pour rendre vivable le monde tel qu’il est, ou encore comme une façon de fuir dans l’utopie pour se soulager des rudes épreuves que cette sombre époque impose à nos existences.La puissance de la fiction dont il est question dans cette séance se pense à la lumière de ce que Claude Lévi-Strauss dit des mythes, c’est-à-dire qu’elle relève de la raison humaine et non d’un délire irrationnel.Par des procédés spécifiquement cinématographiques, fictionnaliser, mythologiser devient alors une façon de faire entendre ce qui dans la réalité fait signe vers des possibles encore inaperçus, ce qui enfoui sous des montagnes de poussière, de résignation pointe vers des transformations encore inédites.   Abel Gance disait « le cinéma tue les mythes, mais en même temps il les ressuscite », autrement dit, si le cinéma ne peut enregistrer que ce qu’il y a, il détient aussi la capacité de faire droit à d’autres formes de temps et d’espace, de mettre à l’ordre du jour des nécessités non causales et des continuités non euclidiennes. Fiction donc, pour faire exister des potentialités de transformation que l’humanité détient effectivement, même si elle semble parfois les avoir oubliées. 

20H00 /ODYSSÉE SECONDE/ 2018 / 113’

Odyssée seconde, lieu d’une enquête, parcours initiatique aux multiples métamorphoses, traversant la vie d’Ulysse comme celle d’Œdipe, jusqu’à celle du guerrier Er, issu du mythe platonicien. Les vrais héros de ces fictions sont des jeunes ivoiriens fuyant leur terre d’origine, mais aussi des gens d’ici, prêts à former avec eux un chœur. 

22H00 / Discussion

22H45 /ANNONCER PAR UN FILM LA PROCHAINE SÉANCE

À la fin de chaque séance seront proposés un ou deux films courts qui permettront d’annoncer la séance à venir. Des films-annonces pour ouvrir ainsi à une autre dimension du travail de Sol Suffern-Quirno et Rudolf di Stefano, et faire sentir comment s’intriquent dans chacun des films les questions nodales qui structurent l’ensemble de ce Focus. 

QUI EST ICI EST D’ICI / 2006 / 10’

Ici un homme, sans papiers. D’ici sa parole. Ici la bataille. Ici les mots d’ordre. D’ici le récit. Ici l’amour. Ici la politique. 

À BAS FOXCONN/ 2023 / 4’

En novembre 2022, 200.000 ouvriers chinois produisant l’IPhone 14 dans l’usine Foxconn de Zengzhou se sont collectivement affrontés aux milices patronales et à la police d’État en déclarant : « À bas Foxconn ! ». Actualité cinématographique de cet événement en s’appuyant sur ce que nous ont appris les ouvriers de Foxconn en Tchèquie.

CINÉMA ET POLITIQUE : UN RAPPORT DISJONCTIF 

SAMEDI 25 MARS 

Les films qui seront présentés lors de cette journée, sont tous des films qui abordent de façon frontale la question politique d’émancipation. Mais quand on fait un film, quel juste rapport est-il possible d’avoir avec la pensée politique ? Comment réussir à être à la hauteur de ce que la politique invente, et savoir faire face à ses victoires et à ses échecs, à son travail rigoureusement laborieux ? La réponse proposée par Sol Suffern-Quirno et Rudolf di Stefano, est de faire des films sans jamais céder sur leurs exigences formelles, mieux encore, être convaincus que c’est en développant avec précision une formalisation cinématographique, que l’on a chance de toucher au réel qui est en jeu dans les véritables processus politiques. Loin du documentaire de création, et des films militants, leurs films explorent un rapport d’autant plus affirmé à la politique, qu’ils font valoir en leur sein une disjonction. Un mot d’ordre serait alors possible pour nommer cet enjeu, tout en prenant à rebours celui que JLG proposait : non pas faire politiquement des films, mais faire cinématographiquement des films politiques ! 

15H00 /18H00

WEEK-END UN FILM COMME LES AUTRES/ 2017 / 9’

Entre Week-end et Un film comme les autres de Godard, il y a eu mai 68. Quelque chose est arrivé en dehors du cinéma et a produit une nouveauté radicale, celle d’une disjonction inédite entre politique et cinéma. 

RDAYEF / 2016 / 14’

Rdayef, ville dans le sud-ouest tunisien, qui fut le théâtre d’une insurrection permanente des gens pendant six mois. Aujourd’hui Rdayef est en péril et vit le découragement qui vient après la victoire. 

BIDONVILLE MONDE/ 2019 / 30’

Film-enquête sur les gens d’un bidonville de Rabat-Salé au Maroc, mais aussi sur les enquêteurs eux-mêmes qui considèrent qu’on a raison de maintenir vivante la confiance dans le peuple. 

À LA LIGNE/ 2022 / 7’

D’après À la ligne, Feuillets d’usine de Joseph Ponthus. Portrait d’un ouvrier dans les usines de France qui montre comment des ouvriers inventent des lueurs pratiques d’intelligence et d’entraide au cœur de l’aliénation.  

OUVRIERS POÈTES / 2022 / 10’

En chine aujourd’hui, des ouvriers de l’usine Foxconn qui fabriquent des produits électroniques, écrivent des poèmes pour crier et déchirer le silence d’une époque. 

L’ÉTABLI / 2022 / 10’

D’après le célèbre livre de Robert Linhart L’établi, démonstration est faite de comment la vie se rebiffe et résiste à la machine, comment le corps et l’esprit s’arc-boutent contre la répétition et le néant.

Intervention d’Alain Rallet sur les rapports entre procédés cinématographiques à l’œuvre et les enjeux d’émancipation du travail productif. 

SORTIE D’USINE/ 2022 / 21’

Un film qui reprend cette figure originelle du cinéma, la Sortie d’usine, mais qui cette fois se tient délibérément du côté des travailleurs qui disent comment ils résistent à l’aliénation grâce à d’infimes gestes d’émancipation. 

18H00 /RONDE DE NUIT/ 2019 / 20’

Reprendre quelques points de l’émancipation humaine en questionnant cinématographiquement « la marche ». Une marche ou chaque pas gagné est une question posée : Que devons-nous comprendre ? Que devons-nous faire ? Que nous est-il permis d’espérer ? 

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20H00 /LA TEMPÊTE/ 2020 / 50’

Comment se rapporter par l’intermédiaire d’un film à un événement historique tel que la révolution russe d’Octobre 1917, mais aussi aux événements qui l’ont suivi quand la révolution s’est usée dans la guerre civile ? Tenter de voir ce qui depuis ces événements historiques est pensable pour notre époque actuelle, comment ils ont la capacité de nous orienter dans les temps inconnus qui s’ouvrent à nous. Comme le dit Alain Badiou, « Mourir, pour un événement historique, c’est quand l’humanité presque toute entière vous oublie », alors il est question par ce film de réexaminer ce qui s’est joué à ce moment-là, et réanimer ces événements qui gisent aujourd’hui sous les amoncellements d’archives et de célébrations moribondes.  

21H00/ NOTES POUR UNE NOUVELLE APOCALYPSE / 2020 / 20’

Un film sur les points contradictoires que le poème Douze d’Alexandre Blok travaille : révolution russe / résurrection du Christ ; destin individuel / épopée collective ; futur inquiétant / passé de la victoire. 

TROUVER D’ABORD ET CHERCHER ENSUITE 

DIMANCHE 26 MARS 

Certains cinéastes se sont dotés d’une pensée pour comprendre leur pratique cinématographique. Cette pensée est toujours un après-coup, c’est-à-dire une pensée qui vient après les découvertes que révèle la fabrication d’un film. C’est pourquoi plutôt que d’appeler cette dimension du travail, théorie, qui désignerait alors un avant-coup, nous proposons de la nommer intellectualité du cinéaste.Les cinéastes font donc des films et ensuite tentent de comprendre ce qu’ils ont fait, ils font en partie cela pour pouvoir continuer à en faire, pour se donner du courage. C’est ainsi qu’au fil des films, ils se dotent d’une méthode qui leur est propre, cherchent à s’approprier le dispositif singulier qu’invente leur art et tentent de comprendre dans quelle lignée leurs films s’inscrivent, quelle fidélité s’agit-il de persévérer. Sol Suffern-Quirno et Rudolf di Stefano explorent par leurs films ces trois dimensions de la pratique cinématographique méthode / public/ fidélité et se proposent de partager leurs interrogations avec ceux qui le souhaitent, dans le but surtout d’en faire des questions partagées. L’idée est qu’à la suite de ce travail, qui se voudra le plus collectif possible, puisse s’inaugurer pour la saison 2023/2024 à la Projection Room, une possibilité commune de faire des films et d’organiser des séances, en somme de créer un laboratoire de recherche cinématographique de type nouveau.  

14H00 /17H00 

1/ LA QUESTION DES MÉTHODES   

ANNONCER SAINT PAUL/ 2003 / 12’

Reprendre le scénario du Saint Paul de Pasolini et voir si on peut, voir comment. Voir si on est le peuple dont il parle, pour lequel il parle. Le peuple qui n’a pas été élu. Celui pour lequel il n’y a pas d’élection(s). 

SCÉNARIO D’UN FILM À VENIR/ 2015 / 15’

Faire un scénario en voyant, préparer un film en faisant un autre film, comme Tirésias l’homme double : aveugle et visionnaire à la fois. 

LE BLUES D’ULYSSE/ 2013 / 15’

Ulysse abandonné sur une île, souffre de cruels tourments et pleure sur un promontoire, parce qu’il veut retrouver son pays et les siens. Dans une salle de cinéma, une femme attend, fait sonner sa voix et parle de créer un lieu où il soit possible d’être sur le qui-vive.  

2/ QU’EST-CE QU’ÊTRE UN PUBLIC DE CINÉMA ? 

BONUS POUR UN PUBLIC DE CINÉMA 1/2019 / 12’

Depuis Chauvet et Lascaux des hommes et des femmes se réunissent collectivement pour écouter des sons et regarder des images loin de la lumière du jour. Il est possible que les salles obscures des cinémas­ poursuivent ce geste primitif. 

BONUS POUR UN PUBLIC DE CINÉMA 2 / 2019 / 15’ 

3/ LA FIDÉLITÉ / D’OÙ VENONS-NOUS ? LETTRE À JACKY ÉVRARD/ 2021 / 14’

Faire comme si le regard proposé au cinéma n’avait pas pour horizon une individualisation mais une mise en commun de ce que le cinéma a mis en commun. 

ANNONCER LE CINÉMATOGRAPHE/ 2014 / 16’

Un film fait avec des mots, des mots de cinéastes, Bresson, Godard, Straub, Huillet. Mots rapprochés comme on rapproche des images avec des sons. Projection de mots, de bouts d’images, de bouts de sons, sur les écrans blancs des cinémas. 

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